lundi 17 février 2025

Lumière Quignard

En enterrant son chat mort, une femme découvre un trésor et se met à voyager.
L'écriture de Quignard, au début de ce roman, déploie avec grâce une proximité avec la nature - jusqu'à la fable de l'oubli et du dialogue avec les plantes - en alternant deux narrations qui se complètent, celle de l'héroïne et celle de l'écrivain.

Dans ce texte, la présence de Virgile ne signale pas l'entrée dans l'enfer, elle est plutôt associée à la présence de l'eau, à la vie. La rencontre initiale des deux personnages principaux est liée à deux vers de Rilke sur une tombe, c'est-à-dire à la mort. La description de la baie de Naples laisse entendre la voix des auteurs latins.

Quignard, avec son élégance habituelle, parsème par moments et avec légèreté sa narration de références à la culture classique et de senteurs du paysage, pour nous parler du temps qui passe, de souvenir et de la solitude, sans oublier de rythmer son récit par des surprises narratives.

Lorsque l'amour apparaît, un troisième narrateur laisse s'épanouir le style sensuel et délicat de l'écriture de Quignard, et vient en complexifier les ressorts psychologiques.

"Il est possible que l'amour soit une tendresse pour la solitude de l'autre."
"Elle l'aimait comme la mer.
Lui aussi il l'aimait mais il ne l'aimait que comme le rivage aime la mer.
"

Quignard, comme tous les auteurs qui parlent d'amour, se tient au début sur le fil de la romance de gare. Mais tout de suite, la sensualité et la poésie cultivée de son style transfigurent l'expérience de lecture en un vécu poétique unique et reconnaissable de livre en livre, pour évoquer une solitude qui est aussi bien celle de l'écrivain que du lecteur, dans un langage qui est une mise en scène de la littérature elle-même.

Les souvenirs, la mort et le deuil viennent donner de l'épaisseur au propos qui reste illuminé, plein de clarté. C'est une littérature dans laquelle sont entremêlés les corps et la débâcle, l'eau et les passions, les tempêtes et la sérénité de la contemplation, une lumière à la fois grecque et latine et le courage des mésanges.

Les fréquents passages dans la région d'origine de l'auteur (Verneuil-sur-Avre) posent la question de la part autobiographique des interrogations de ce roman, portant sur la mort et le bonheur, redoublées de questionnements sur le langage : "Tous les mots qu'on emploie remontent de l'enfance et relaient la langue que parlaient les morts qui précèdent la naissance. Dans ce cas quelle fin poursuivent les phrases ? Quelle fin poursuivent les phrases dans les poèmes ? Quelle fin poursuivent les phrases dans les livres ?"

Dans ce livre émouvant, ce sont les chats qui permettent de trouver une définition du bonheur : "l'immédiat dans la présence", que l'auteur réalise par l'écriture. Quignard nous parle de la solitude et de la mort, mais aussi du bonheur et c'est un poème ensoleillé, rédigé sous le regard bienveillant de Rilke et peut-être aussi celui de Bachelard. 

 

 Pascal Quignard - Trésor caché 2025


 

On peut entendre Pascal Quignard lire des extraits de son roman, avec en prime l'audition d'un magnifique Consummatum Est

sur une vidéo de la Maison de la Poésie :