Ça commence par une virée apocalyptique dans un bar de Norfolk qui semble donner le ton et le style de la suite du roman. Métaphore et métonymie vont en bateau ; comme dans le rêve freudien, condensation et déplacement (dé)sorganisent le rêve, à moins qu'il ne s 'agisse d'un cauchemar, ou d'un trip sous acide, allez savoir.
Évidemment, viennent à l'esprit du lecteur, dans le désordre, le Tristram Shandy de Sterne, le Manuscrit trouvé à Saragosse de Potocki ou les premiers essais romanesques de Joyce. On n'est donc pas dans un récit narratif plat et linéaire, dans lequel continuent de se complaire bon nombre d'auteurs contemporains, mais dans un texte qui demande l'adaptation de la lecture, comme c'est le cas pour les grands romans qui inventent leur propre langage poétique (Proust, Joyce...), ou ceux qui déconstruisent la narration.
La lettre V, c'est un peu comme le McGuffin dans les films d'Hitchkock : un signifiant aux multiples signifiés, une lettre volée en quelque sorte. Tout ça est moins difficile à lire qu'il n'y paraît, demande un peu d'attention et d'accepter de se laisser mener vers l'inattendu et de ne pas tout comprendre : les efforts de lecture seront récompensés par une expérience inouïe, excitante et dépaysante.
On peut ainsi passer un peu de temps avec des aviateurs pendant la guerre mondiale puis assister de manière détaillée à une opération de chirurgie esthétique, et quelques pages plus loin se retrouver à chasser les alligators dans les égouts de New York, pour se retrouver un peu plus loin comme dans un roman d 'espionnage de Graham Greene en 1899 à Florence : pas le temps de s'ennuyer... Un livre pour lecteurs de labyrinthes post-modernes.
Pynchon, Thomas - V - Fiction et Cie Seuil 2001
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