Jacques Lacan - Séminaire XV 1967-1968 - L'acte psychanalytique.
Jacques-Alain
Miller accélèrerait-il la publication des séminaires ? Un an après
l'édition du séminaire XIV, qu'on a commenté ici dans une note
précédente, voici l'édition d'une année fameuse : 1967-1968. (Allez,
Jacques-Alain, un petit effort, plus que sept...).
On retrouve ici la pensée toute en circonvolutions et
spirales de frère Jacques, par exemple quand il annonce qu'il va nous
parler de Winnicott et déploie plutôt son exposé sur le Ménon de Platon,
mais on découvre aussi un Lacan prudent, qui prend soin de rappeler
que son discours s'adresse aux psychanalystes, qu'il ne saurait prendre
sens hors de son contexte et de ce qui l'a précédé, il indique aussi que
s'il approche par petites touches, c'est afin d'éviter le malentendu.
En ces temps troublés, il n'est peut-être pas inutile de
rappeler que Lacan, après Freud, promeut le terme "analysant" plutôt
que celui de "psychanalysé" pour indiquer que dans le transfert, le
sujet est en position active et non passive.
Idéalisant un sujet supposé savoir, l'analysant s'engage
dans la loi de l'analyse (la règle fondamentale, tout dire ; le non
passage à l'acte, etc) en recherche incessante de sa vérité et de ses
signifiants grâce au transfert, notamment dans les failles du discours.
Pour cela, Lacan n'hésite pas à mettre à l'épreuve le
discours analytique lui-même dans le registre de la critique féroce,
combattant la réduction toujours renouvelée de la psychanalyse au
registre de la psychologie générale, semblant même plutôt désabusé à la
fin du séminaire sur les discours de certains de ses collègues.
Il en revient incessamment au socle, les écrits de
Freud, et il refait appel à son fameux triangle RSI (réel, symbolique et
imaginaire) sur lequel il resitue le sujet barré, le trait unaire et
l'objet a, ainsi que la jouissance, le symptôme et la vérité. Il
continue, comme dans son séminaire précédent, d'utiliser la logique
Aristotélicienne ainsi que celles de Pierce et de Frege.
Son discours paraît abstrait à première vue mais il en
revient toujours à l'expérience analytique pour, par exemple dans la
séance du 17 janvier 1968, décrire par la logique l'analyste comme sujet
supposé savoir voué au "désêtre" et l'analysant comme destiné à
découvrir le manque à être ; il distancie aussi le discours logique
comme lieu de la vérité en le qualifiant d'artefact du point de vue du
vivant.
Spirales, circonvolutions, vagues : la pensée oralisée
de Lacan est en perpétuelle recherche d'elle-même, ce qui fait que sa
publication à l'écrit, venant en quelque sorte la figer, est presque un
paradoxe. En prime, dans les séances d'avril et mai 1968, il commente à
sa manière les évènements.
"Et il faut quelque décalage, quelque fissure, quelque
ébranlement, quelque moment de jeu dans le savoir, pour que l'on s'avise
tout d'un coup qu'il savait avant - pour qu'ainsi se renouvelle ce
savoir." p. 108
"Il ne suffit pas de s'élever contre le désordre du
monde pour ne pas, de cette protestation même, s'en faire le plus
permanent support" p. 120
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