jeudi 7 mars 2024

Lacan 1968

Jacques Lacan - Séminaire XV 1967-1968 - L'acte psychanalytique.
 
Jacques-Alain Miller accélèrerait-il la publication des séminaires ? Un an après l'édition du séminaire XIV, qu'on a commenté ici dans une note précédente, voici l'édition d'une année fameuse : 1967-1968. (Allez, Jacques-Alain, un petit effort, plus que sept...).
 
On retrouve ici la pensée toute en circonvolutions et spirales de frère Jacques, par exemple quand il annonce qu'il va nous parler de Winnicott et déploie plutôt son exposé sur le Ménon de Platon, mais on découvre aussi un Lacan  prudent, qui prend soin de rappeler que son discours s'adresse aux psychanalystes, qu'il ne saurait prendre sens hors de son contexte et de ce qui l'a précédé, il indique aussi que s'il approche par petites touches, c'est afin d'éviter le malentendu.
 
En ces temps troublés, il n'est peut-être pas inutile de rappeler que Lacan, après Freud, promeut le terme "analysant" plutôt que celui de "psychanalysé" pour indiquer que dans le transfert, le sujet est en position active et non passive. 

Idéalisant un sujet supposé savoir, l'analysant s'engage dans la loi de l'analyse (la règle fondamentale, tout dire ; le non passage à l'acte, etc) en recherche incessante de sa vérité et de ses signifiants grâce au transfert, notamment dans les failles du discours.

Pour cela, Lacan n'hésite pas à mettre à l'épreuve le discours analytique lui-même dans le registre de la critique féroce, combattant la réduction toujours renouvelée de la psychanalyse au registre de la psychologie générale, semblant même plutôt désabusé à la fin du séminaire sur les discours de certains de ses collègues. 

Il en revient incessamment au socle, les écrits de Freud, et il refait appel à son fameux triangle RSI (réel, symbolique et imaginaire) sur lequel il resitue le sujet barré, le trait unaire et l'objet a, ainsi que la jouissance, le symptôme et la vérité. Il continue, comme dans son séminaire précédent, d'utiliser la logique Aristotélicienne ainsi que celles de Pierce et de Frege

Son discours paraît abstrait à première vue mais il en revient toujours à l'expérience analytique pour, par exemple dans la séance du 17 janvier 1968, décrire par la logique l'analyste comme sujet supposé savoir voué au "désêtre" et l'analysant comme destiné à découvrir le manque à être ; il distancie aussi le discours logique comme lieu de la vérité en le qualifiant d'artefact du point de vue du vivant.
 
Spirales, circonvolutions, vagues : la pensée oralisée de Lacan est en perpétuelle recherche d'elle-même, ce qui fait que sa publication à l'écrit, venant en quelque sorte la figer, est presque un paradoxe. En prime, dans les séances d'avril et mai 1968, il commente à sa manière les évènements.


"Et il faut quelque décalage, quelque fissure, quelque ébranlement, quelque moment de jeu dans le savoir, pour que l'on s'avise tout d'un coup qu'il savait avant - pour qu'ainsi se renouvelle ce savoir." p. 108


"Il ne suffit pas de s'élever contre le désordre du monde pour ne pas, de cette protestation même, s'en faire le plus permanent support" p. 120






Lacan Séminaire XV


 

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