mardi 16 janvier 2024

Ernaux 2008

Le titre fait  évidemment penser à Virginia Woolf et le travail sur la mémoire et le souvenir rappelle que l'on a déjà trouvé fréquemment dans les livres précédents d'Ernaux la référence à Proust. De manière impressionnante, l'auteure pratique ici un déploiement, un épanouissement de son style habituel et de ses thématiques pour nous offrir "une forme nouvelle d'autobiographie, impersonnelle et collective." Ce projet d'écriture est cohérent dans son œuvre, inscrit ici le désir autosociobiographique qui irrigue tous ses livres depuis 1974 dans une ambition littéraire nouvelle qui fait que cet ouvrage est probablement son chef-d'œuvre. En décrivant de vielles photographies, le langage familial et de son entourage, des comportements, des slogans ou des expressions oubliés..., l'auteure se fait la gardienne d'une époque et d'un certain milieu social alors que la première phrase écrite est : "Toutes les images disparaîtront." et la dernière est : "Sauver quelque chose du temps où l'on ne sera plus jamais". Ce déploiement temporel et spatial de son écriture passe en revue les décennies et c'est une formidable boîte à souvenirs qui déroule ses pages et par petites touches reprend les thèmes principaux de son œuvre : le vécu de la transfuge de classe, les inégalités, les formes de la domination et de la soumission, l'aliénation du mariage, la surveillance sociale du corps féminin, etc. Une très belle machine à remonter le temps, avec laquelle Annie Ernaux invente la critique sociale mélancolique et nous émeut profondément.
 
Ernaux, Annie - Les années - 2008 - nrf Gallimard
 
 
 
 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire