Le
titre fait évidemment penser à Virginia Woolf et le travail sur la mémoire et le
souvenir rappelle que l'on a déjà trouvé fréquemment dans les livres
précédents d'Ernaux la référence à Proust. De manière impressionnante,
l'auteure pratique ici un déploiement, un épanouissement de son style
habituel et de ses thématiques pour nous offrir "une forme nouvelle
d'autobiographie, impersonnelle et collective."
Ce projet d'écriture est cohérent dans son œuvre, inscrit ici le désir
autosociobiographique qui irrigue tous ses livres depuis 1974 dans une
ambition littéraire nouvelle qui fait que cet ouvrage est probablement
son chef-d'œuvre.
En décrivant de vielles photographies, le langage familial et de son
entourage, des comportements, des slogans ou des expressions oubliés...,
l'auteure se fait la gardienne d'une époque et d'un certain milieu
social alors que la première phrase écrite est : "Toutes les images
disparaîtront." et la dernière est : "Sauver quelque chose du temps où
l'on ne sera plus jamais".
Ce déploiement temporel et spatial de son écriture passe en revue les
décennies et c'est une formidable boîte à souvenirs qui déroule ses
pages et par petites touches reprend les thèmes principaux de son œuvre :
le vécu de la transfuge de classe, les inégalités, les formes de la
domination et de la soumission, l'aliénation du mariage, la surveillance
sociale du corps féminin, etc. Une très belle machine à remonter le
temps, avec laquelle Annie Ernaux invente la critique sociale
mélancolique et nous émeut profondément.
Ernaux, Annie - Les années - 2008 - nrf Gallimard
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