Ce
court texte évoque la mémoire de la sœur d'Annie Ernaux, décédée à
l'âge de six ans avant la naissance de l'auteure, et dont celle-ci n'a
appris l'existence qu'à l'âge de dix ans. Il apparaît dans la forme
comme une annexe à son précédent livre (Les années) dont il reprend le
style d'écriture.
Annie Ernaux fait d'abord "le récit du récit", c'est-à-dire du moment où
elle apprend l'existence de cette sœur morte et où elle entend les
paroles de sa mère indiquant : "Elle était plus gentille que celle-là",
et l'on comprend à quel point cette expérience a été traumatique.
Elle déploie donc son écriture pour tenter de donner un sens à tout
cela, en tutoyant la disparue : "Est-ce que je t'écris pour te
ressusciter et te tuer à nouveau ?"
Mais ce n'est pas tout : à ce double traumatisme s'ajoute la répétition
du récit, pendant son enfance, que Annie Ernaux a failli mourir du
tétanos à l'âge de cinq ans. La rencontre des deux récits est bien une
histoire de langage, et c'est par l'écriture que Annie Ernaux donne du
sens à ce trauma, dans un troisième récit à valeur cathartique et
réparatrice. Mais l'auteur va plus loin en écrivant : "Je n'écris pas
parce que tu es morte. Tu es morte pour que j'écrive, ça fait une grande
différence." et semble ainsi mettre toute cette expérience à l'origine
de son œuvre. Et ça n'est pas sans émotion, celle du lecteur, que le
texte nous mène au degré supérieur du pouvoir de la littérature : celui
de la reconnaissance.
Ernaux, Annie - L'autre fille 2011 - Folio Gallimard
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