lundi 15 janvier 2024

Proust. Les soixante-quinze feuillets

Avec cette parution des soixante-quinze feuillets, les proustiens (« Proust-addict », ai-je lu récemment, peut-être cela n’aurait-il pas déplu à Marcel) sont à nouveau à la fête, juste après l’édition du « Cahier de l’Herne » consacré à Proust (mars 2021), précédé par « Le Mystérieux Correspondant et autres nouvelles inédites » (Octobre 2019), « Proust, prix Goncourt : Une émeute littéraire » de Thierry Laget (Avril 2019), « Marcel Proust: Croquis d'une épopée » de Jean-Yves Tadié (Novembre 2019) sans oublier « Marcel Proust - Mélanges » de Roland Barthes (octobre 2020) et les Carnets publiés en 2002, quelques ouvrages auxquels on pourrait ajouter le lieu de découvertes que constitue le site internet Proustonomics, qui nous gratifie de révélations récentes dans un article sur Willie Heath, c’est la fête, vous dis-je…

Les soixante-quinze feuillets, Graal légendaire de la critique proustienne – comme l’indique la quatrième de couvertureconstituent une trace unique et la plus ancienne des écrits préparatoires d’À la recherche du temps perdu où sont déjà présents « maman » et grand-mère, l’épisode du « baiser du soir » dans ses différentes variantes dont celle laissant apparaître le personnage de Swann, les deux côtés de la promenade (nommés ici le côté de Villebon – qui deviendra plus tard Garmantes puis Guermantes - et celui de Méséglise), la prédilection pour les aubépines et les jeunes filles en fleurs, ainsi que Venise et l’archéologie de ce qui deviendra l’embrayeur de la mémoire involontaire, la madeleine présente sous forme du pain rassis puis du pain grillé et de la biscotte ; et surtout et sans en être étonné, on note déjà la présence de la petite musique proustienne, celle qui nous procure ce plaisir de lecture particulier, unique, inimitable et rythmé dans des phrases qui tourbillonnent et retournent sur elles-mêmes et perdent le lecteur pressé dans un univers situé quelque part entre le sommeil et le rêve, aux frontières du songe nocturne et de la rêverie diurne.

Nathalie Mauriac Dyer est l’éditrice de ces textes et la rédactrice de l’appareil critique (notice, chronologie, notes, bibliographie) qui occupe la moitié du livre et permet l’approfondissement vertigineux de cette lecture archéologique.

Ce livre se lit donc d’abord à grandes enjambées, comme celles de l’oncle du narrateur chaussé de ses knickerboxers sur la plage qui ne se nomme pas encore Balbec, puis – en deuxième lecture – se déguste à la petite cuillère, peut-être celle tintant contre une assiette dans le temps retrouvé et constitue un excellent échauffement pour une relecture de la recherche (çavapatarder).


Marcel Proust – Les soixante-quinze feuillets et autres manuscrits inédits – Édition établie par Nathalie Mauriac Dyer, préface de Jean-Yves Tadié - nrf Gallimard – mars 2021 – 376 pages

 


 

 

 

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