lundi 15 janvier 2024

Signéponge

Signéponge

Le lecteur pressé pourrait ne lire ici que des descriptions d’objets, mais l’engagement littéraire de Francis Ponge est bien plus que cela : à partir d’une volonté de communication neuve se basant sur une réévaluation lexicale, syntaxique, stylistique de son expression, Ponge refuse la qualification de poète, indique qu’il vient à l’écriture par dégoût du langage, ce qui l’amène à produire une prose précise, d’abord située quelque part entre Mallarmé et le surréalisme pour prendre ensuite une voix originale et à nulle autre pareille dans la littérature française. Cette activité d’écriture antilyrique s’attachant apparemment à décrire des choses est d’abord et avant tout une recherche quasi-scientifique sur le langage, dans une « rage de l’expression » prenant « le parti pris des choses », cherchant les mots, les phrases, les images, les figures de rhétorique les plus précises possibles, dans un mode descriptif qui est aussi une réévaluation morale, une objectivité pleine de subjectivité demandant au lecteur de se positionner lui-même dans son acte de lecture. Cette recherche rend Ponge capable de produire une prose poétique somptueuse à partir de sujets comme l’huître, l’œillet, le volet, le pré et d’écrire un livre de 128 pages sur un savon et de nous dire : « Ceux qui n’ont pas la parole, c’est à ceux-là que je veux la donner. »

Ponge, Francis - Le savon - L'Imaginaire Gallimard 1992




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