Airs graves airs légers
Voici une rareté, classée sur l'étagère des « Désuets et oubliés ». Le style précieux et suranné de Sitwell (un personnage du journal de Virginia Woolf), qu'on avait déjà apprécié dans son roman « L'homme qui se perdit lui-même » (1929), convient parfaitement dans le premier de ses airs graves et légers à la description d'une garden-party dans un palais chinois de la cité interdite. Ce style à l'ancienne s'apprécie comme on dégusterait lentement un vin vieux subtil et raffiné, avec l'attention aux aguets et la perception affûtée, ainsi qu'un certain goût de la brocante littéraire et de ses pépites.
On est donc promené en Chine, mais aussi au Guatemala et à Curaçao. Ces textes sont rédigés de 1942 à 1944 : Sitwell y produit aussi la description des objets qui manquent en temps de guerre et le récit sous forme de natures mortes prend alors l’allure de l’ekphrasis.
Peut-être que les livres de Sitwell sont à réserver maintenant aux lecteurs et lectrices qui ont déjà goûté tous les mets, ou du moins l'essentiel de ceux-ci ; capables d’apprécier « Les Silences du colonel Bramble » de Maurois ou « La colline inspirée » de Barrès aussi bien que les romans de Pierre Benoît et ceux de Henri Boylesve...
Bien sur, on peut trouver que tout cela a des teintes plutôt réactionnaires : mais si l’on veut bien considérer que la notion de progrès reste problématique en littérature, qu’est-ce qui empêche le lecteur curieux de lire Paul Bourget le matin et Philippe Sollers l’après-midi, Henri Bordeaux au lever du soleil et Proust de bonne heure, Francis de Miomandre à l’aube et Céline au bout de la nuit ?...
Bonnes lectures
Osbert Sitwell (1892-1969)
Airs graves airs légers - Robert Laffont 1947
L'homme qui se perdit lui-même - Gallimard 1933
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