Virginia Woolf - Entre les actes - 1941
La première phrase, en quelques mots, expose les personnages, le lieu et
le temps, plaçant le style du dernier roman de Woolf sous le signe de
la densité de l'écriture.
La comparaison avec l'oie de la première page et, un peu plus loin, une
phrase comme "Elle entra comme un cygne qui nage résolument" indique la
précision et l'originalité des images, chargées de porter discrètement
l'humour et l'ironie de Virginia Woolf.
La densité est celle du style, des paroles, des gestes, des
comportements, des pensées, des références littéraires plus que celle
des évènements dans ce livre qui relate une journée de la vie de ces
quelques personnages à la veille de la guerre (1939).
Densité aussi d'une narration à la construction savante basée sur
l'inclusion du théâtre dans le récit dans ce dernier roman qui contient,
en filigrane, les inquiétudes face à la guerre proche ainsi que les
angoisses propres à Virginia Woolf, qui se suicidera quelques mois après
la fin de la rédaction de ce livre.
Certes, il y a l'histoire de la dame noyée au début du livre et la
phrase : "Puisse l'eau me recouvrir" vers la fin du livre, ainsi que
d'autres allusions qu'on lit comme des prémonitions inconscientes du
passage à l'acte de Virginia quelques mois plus tard.
Mais c'est bien la vie que Woolf célèbre dans son texte, celle d'une
communauté disparate se retrouvant lors d'une fête rurale avant de
partir à la guerre (préparatifs d'une pièce à la campagne), communauté
que Woolf décrit avec bienveillance, se demandant "pourquoi laisser
perdre une seule goutte de ce que l'on peut recueillir en pressant ce
monde adorable, gonflé de jus savoureux ?"
Des hommes et des femmes, des jeunes et des plus âgés s'agitent ou
restent contemplatifs lors des préparatifs d'une représentation
théâtrale. Leurs pensées et leurs conversations s'inscrivent dans le
paysage et le temps pour progressivement laisser émerger les émotions.
"Comme il était tentant, irrésistiblement tentant, de laisser triompher
le paysage ; de réfléchir ses vibrations ; de laisser son esprit à soi
vibrer à l'unisson ; de laisser les lignes s'allonger, puis plonger -
ainsi - brusquement."
Il faut goûter le miel et la saveur des mots pendant qu'il est encore
temps. Les nombreuses références littéraires qui parsèment le texte de
Woolf semblent comme une bouée de sauvetage à laquelle se raccrocher
avant l'arrivée du pire : mais on le sait, les livres et les œuvres
n'ont jamais empêché l'arrivée de la guerre ou du fascisme.
29 juin 2024
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire