Rodmoor - John Cowper Powys - 1916 - Coll. Le Don des Langues - Seuil 1992 - Traduction Patrick Reumaux
John Cowper Powys, dans son deuxième livre, écrit sur
les liens entre la nature et la psychologie de ses personnages, il
maintient liés espace mental et espace géographique à l'intérieur d'un
schéma connu de la littérature, l'éternelle lutte entre l'amour et la
mort, entre Éros et Thanatos.
Il sème rapidement le doute sur la santé mentale
d'Adrian Sorio, son personnage principal et décrit l'étrangeté des
paysages sauvages des environs de Rodmoor, un lieu dans lequel Adrian a
du mal à rassembler ses pensées.
"Oui, Rodmoor est un endroit plutôt curieux. On s'y
désintègre, vous savez, on y perd son identité et on oublie les règles."
p. 137
Dans ce monde maritime gris, les signes n'ont pas les
mêmes significations pour les uns et les autres, les comportements sont
interprétés différemment selon que l'on est une femme amoureuse ou un
homme exalté, les relations amoureuses ne sont que des relations
d'emprise.
Il n'y a rien à attendre de la mer, dont la proximité est ici favorable à des prémonitions morbides.
Les errances sur les landes proches du rivage échouent à
rasséréner les esprits, le vent n'amenant dans l'espace mental que des
fragments de pulsion de mort.
"Une bande rouge sang, livide et déchiquetée, comme le
dos mutilé d'un monstre ensanglanté, barrait l'horizon au-dessus des
marais. Le vent gémissait dans les peupliers, sifflait à travers les
roseaux et, dans les fossés comme dans les digues, poussait de longs
soupirs haletants et mélancoliques, tel un malheureux esprit de la
terre." p.336
Dans cet univers nocturne des passions, même le refuge de la sororité est incapable d'apaiser les tensions.
Rien à sauver de ces paysages ?
Mais si : ils sont l'objet de l'écriture précise de John
Cowper Powys, ils sont objets de littérature et cela est à l'origine de
bien des bonheurs de lecture.
Une écriture précise qui demande une lecture précise :
Powys délivre parfois une information importante au détour d'une phrase,
de manière inattendue.
Il y a probablement quelque chose de suranné, de désuet
dans cette littérature de landes venteuses et d'amours tumultueuses,
dédiée à Emily Brontë et à ses fantômes : mais c'est le haut du panier
tant du point de vue de la forme que du fond, et on se laisse facilement
entraîner au vent mauvais de ces chapitres courts et denses.
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