Les éditions
Calligrammes (Rennes) nous offrent un très beau volume de poésie avec
cette "Anthologie de la poésie de Bretagne au XXème siècle".
Attention : poésie en Bretagne et non poésie bretonne ;
il s'agit d'entendre ici comment le vent de la poésie a soufflé en
Bretagne au XXème siècle grâce à des auteurs qui ne sont pas tous
bretons et grâce à des textes écrits dans différentes langues.
L'éditeur indique qu'il est conscient des écueils
possibles dans l'action de sortir une poésie de son contexte d'une part,
et de la juxtaposer avec d'autres textes, d'autre part.
Mais le livre réussit le défi en nous permettant de
relire des valeurs sûres (Max Jacob, Victor Segalen, Georges Perros,
Kenneth White...), en promouvant le nectar de Bretagne (Xavier Grall,
Jean-Paul Hameury, Yvon Le Men...), en nous faisant découvrir des
auteurs plus rares (Armand Robin, Heather Dohollau, Danielle
Collobert...) et en laissant la place à l'écriture des femmes (cinq sur
dix-huit : bretons, encore un effort...).
L'ensemble de ces textes est porté par le grand vent
d'Armorique et par une savante mise en perspective grâce à la préface,
aux notices concernant les auteurs et à la bibliographie.
La poésie de Bretagne est ici "un monde ouvert" cher à
Kenneth White, elle nous permet avec Segalen de "traverser des cours,
des arches, des ponts ; tenter les chemins bifurqués" ; on apprend que
dans la maison du poète les meubles ont pouvoir sur le visiteur, ce
poète qui assemble les mots comme le menuisier les pièces de bois.
Celle qui écrit devient ainsi émigrante d'elle-même, celui qui rêve cherche à se fuir lui-même.
Il croit que le monde est là pour toujours. Le temps d'une lecture, le lecteur aussi...
"Ô mots, tous les mots blancs, verts, bleus, jaunes,
rouges, noirs, du gouffre et de la cime, tous les mots semblables et
contraires, unissez-vous en frères de la primitive famille de la phrase
originelle. Laissez-vous cueillir comme on fait pour les fleurs.
Laissez-vous récolter comme on fait pour les fruits. Acceptez que de
tous on compose une gerbe d'amour évoquant le long serpent aux longs
anneaux d'éternité, que par vous il remonte entre les lèvres demeurées
au seuil de l'Aurore Première."
Saint-Pol-Roux (1861-1940)
"Nous n'avons à nous que cette pauvreté
de qui va dans l'ignorance
mais c'est à cette nudité
qu'il nous faut demeurer présent.
Et c'est trahir que dresser
tables de pierre et temples
là où suffit la gloire
des poussières et des feuilles mortes."
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