Philippe Jaenada - La désinvolture est une bien belle chose - Mialet Barrault 2024
Les lecteurs des textes de Guy Debord et des
situationnistes, ainsi que ceux de Modiano (l'un n'empêche pas l'autre)
ont déjà entendu parler du bar "Chez Moineau", qui accueillait la jeune
génération perdue au 22 rue du Four à Paris : c'était dans le Quartier
Latin au début des années cinquante.
Jaenada décrit en détail les parcours de ces enfants
égarés et en particulier celui de Jacqueline, morte défenestrée en 1953 à
l'âge de 20 ans. L'écrivain retrace un portrait émouvant de ces jeunes
détruits par les conséquences des deux guerres mondiales ainsi que par
les institutions de l'enfermement : famille, police, psychiatrie,
domination masculine, services sociaux...
Comme on avait pu le découvrir dans son récit "La
serpe (2018)", Jaenada prend les chemins de traverse avec humour, non seulement
avec ses digressions habituelles, mais aussi en se mettant en scène
dans ses recherches et son écriture, ainsi qu'en relatant un tour de
France de villes en villes et d'hôtels en hôtels, voyage entamé au début
de ses recherches.
Son livre nous replonge donc avec précision dans une
ambiance, une époque, un milieu social disparus. L'auteur nous fait
partager son émotion face à ces parcours brisés, nous montre les
conséquences funestes des guerres et des insuffisances d'une époque, et
nous fait découvrir les prémisses archéologiques de mai 68.
Tout cela dans un seul livre bien plaisant à parcourir,
un livre qui du point de vue spatio-temporel fonctionne par oppositions :
les premières lignes décrivent l'horizontale de la perspective de la
longue plage de Malo-les-bains à Dunkerque à marée basse, horizontale
qui va se déployer dans le voyage jusqu'à la plage d'Hendaye, et
s'oppose à la verticale de la chute brève de Jacqueline depuis un
troisième étage. Si l'on était malicieux, on pourrait rajouter la
verticale de la descente des nombreux whiskys bus par l'auteur lors de
son périple.
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