Espace Perec 2025 (J.L. Bailly)
Jean-Louis Bailly ne nous cache pas son âge car son livre évoque le fait qu'il a pu croiser la route de Georges Perec, qu’il a été son contemporain et que son année de naissance est le chiffre fétiche de la collection "Dire son Perec".
Mais
il fait vite un pas de côté pour ne pas réduire son texte au
recueil de souvenirs : il nous fait sentir le temps qui passe, les
lambeaux d'une époque, en évoquant l'univers matériel et mental
dans lequel évoluait Perec, qui a été aussi le sien, le temps
du timbre à un franc.
Pour
cela, il se réinvente en narrateur qui se présente en jeune homme
en utilisant la deuxième personne du singulier, comme l'avait fait
Perec dans "Un homme qui dort", pour nous raconter comment,
alors qu'il avait créé une revue littéraire, il avait écrit à
Perec pour lui demander un texte (on s'écrivait encore des lettres à
ce moment-là).
Il
nous fait ainsi partager la vie d'un jeune aventurier littéraire
dont il dit qu'il était inexpérimenté, naïf et outrecuidant, et
nous raconte ses mésaventures de jeune directeur de la revue
Nouvelles impressions (Oui, Raymond Roussel n'est pas loin).
La
lettre reçue de Perec le 7 octobre 1977 à la levée de 19 heures
est donc le document central de ce petit livre, proposé en
fac-similé page 15. Bailly recevra quelques temps plus tard pour sa
revue le cadeau de Perec, un extrait de l'ouvrage qu'il est en train
d'écrire : "La Vie mode d'emploi".
Le
texte en question est évoqué dans son devenir, c'est-à-dire les
corrections et variations observées dans les éditions futures, ce
qui permet à Bailly d'évoquer l'ennemi des éditeurs, la coquille,
"la Coquille éternelle, qui depuis l'incunable poursuit le
typographe de son absurde et implacable malignité…" et
nous dire quelque chose du métier d’éditeur ou de directeur de
revue.
Dans
un autre décalage temporel, Jean-Louis Bailly évoque la fameuse
machine à écrire de Perec, une IBM Selectric électrique à boule, qui a
rendu l'âme avec l'écriture de "La Vie mode d'emploi".
Cela permet encore une fois à l'auteur de décrire l'univers
matériel et mental de l'époque de Perec.
Pour terminer, l'auteur nous offre une belle nouvelle très perecquienne évoquant "La disparition", et nous parle de sa "Chanson du Mal-Aimant", le "plus long lipogramme versifié en langue française" : c'est l'occasion pour Bailly de rappeler que Perec écrivait pour dire le manque, l'absence sur laquelle il construisait sa vie ; il évoque aussi son expérience d'écriture de lipogrammes ce qui lui permet de parler du plaisir de l'écriture, d'en préciser la technique et d'imaginer ce qu'a pu éprouver Perec en écrivant.
À
son tour, Jean-Louis Bailly écrit sur le manque, l'absence :
l'adresse finale nous confirme bien, de manière émouvante, qu'il
s'agit du manque, de l'absence de Perec.
Ce livre est ne N°10 sur 53 de la collection "Dire son Perec" des éditions L’Oeil ébloui.

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