Espace Perec 2024 (Bodin-Hullin)
T. B-H. est le maître d'œuvre de la collection "Dire son Perec en 53 livres de 53 pages par 53 artistes" dans sa maison d'édition L'oeil ébloui. Dans son "Trajet Perec", n° 2 de la collection, il nous dit son Perec en 53 paragraphes en essayant de répondre à la question posée sur la raison d'être de son projet éditorial, qui s'inscrit sur le long terme : "...une collection qui serait composée de 53 ouvrages de 53 pages, dédiée à l’œuvre et à la vie de Georges Perec...". C'est l'occasion pour l'auteur de nous parler de "53 jours", le dernier roman de Perec, ainsi que des 53 jours passés par Stendhal à écrire "La Chartreuse de Parme" : on est en bonne compagnie.
C'est
"juste une idée" au départ, et T. B-H. joue
malicieusement à un jeu perecquien de variation sur le mot "idée" et ses locutions
- comme celui pratiqué par Perec au début de "Espèces
d'espaces" avec le mot "Espace" - mais
n'élude pas les questionnements sur son projet en se lançant dans
des variations hésitantes, poétiques, savantes ou techniques sur
les réponses à apporter.
Il
est d'abord comme un étudiant maladroit passant un examen, un
porteur de projet à éclaircir ; il est plus loin le lecteur érudit
de Perec, fan collectionneur obsessionnel d'éditions rares ; on le
découvre en jeune étudiant rédacteur d'un des premiers mémoires
sur "La vie mode d'emploi" ou plus tard en éditeur
expérimenté écrivant à Annie Ernaux : ces différentes postures
de narrateur lui permettent de nous parler de Perec et de ses livres.
Il
peut être aussi le poète illuminé poursuivi par le nombre 53 (un aleph borgésien, nous dit-il) ou
l'expert évoquant les apparitions de ce nombre dans l'œuvre de
Perec, marquant son trouble devant "ses
pistes qui n'en finissent plus de se croiser, se décroiser, se
recroiser…"
mais ajoutant : "Perec nous entraîne dans une
(re)découverte perpétuelle de la (re)lecture de son œuvre. On n'en
a jamais terminé avec lui."
T. B.-H. ne manque pas d'humour dans sa page Tentatives, dans laquelle il recense toutes les facilités et lieux communs qui pourraient lui servir dans la justification de son projet, qui résonne avec nos propres petites tentatives de parler des livres sur l'Internet : que dire, quand on n'est ni érudit ni savant, ni poète ni écrivain, qui n'a pas déjà été dit sans tomber dans les lieux communs et les goûts et les couleurs...
Devant tant d'érudition, sonneur, tu te sens lecteur bien naïf et ignorant, avec tes petites notes bien légères. Tu es au niveau zéro du fan club, pas encore fétichiste et idolâtre.
On se console car Thierry Bodin-Hullin nous confie qu'il préfère au
projet l'incertitude du trajet à penser, "un trait, pas vraiment
rectiligne, pas toujours praticable, sur lequel [il est] en équilibre et
où le doute et le tâtonnement sont plus engageants que la raison d'être
et la stratégie."
Bien, "L'oeil, ébloui, comme une métaphore de la lecture", c'est aussi le regard que l'on porte sur ce livre, ce projet, cette collection, qui accompagnent brillamment notre lecture ou relecture des livres de Perec. On aime que le livre de Thierry Bodin-Hullin se termine par une trace émouvante, car l'émotion transparaît tout au long de ce livre étonnant.
Ce livre est le N°2 de la collection « Dire son Perec » des éditions l’Oeil ébloui.
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