mercredi 17 janvier 2024

Je est une autre

Dans ce livre datant de 1973, le propos de Monique Wittig semble se radicaliser. Après la mise en avant du pronom "on" dans "L'opoponax" 1964 et celle du pronom "elles" dans "Les guérillères" 1969, voici l'avènement du "je" dans "Le corps lesbien" 1973. Ou plus précisément du "j/e", et de la forme pronominale "m/e", Wittig indiquant qu'elle ne fait qu'entrer par effraction dans un langage qui lui est étranger, car dominé par l'universalité du "il". 
Wittig continue donc de creuser la langue française, mais au-delà de ses recherches formelles, ce qui frappe une fois de plus, c'est la grande beauté de ce texte, sa puissance poétique et brûlante placée sous le signe de Sappho. Elle met cette fois en scène un corps morcelé, déchiqueté, comme autopsié, mais c'est bien le langage qui est ici décortiqué, démonté pour mettre en évidence les rapports de domination. On a donc un texte multidimensionnel, poétique, politique, de recherche formelle, mais qu'on ne peut réduire à l'une ou l'autre dimension. Autrement dit, classer ce livre dans une rubrique unique (poésie, ou féminisme, ou lesbianisme, ou politique), cela serait le réduire et passer à côté. On le rangera donc sur l'étagère Monique Wittig et cela sera déjà fabuleux. 
 
Monique Wittig. Le corps lesbien. Éditions de Minuit.  
 



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