Le
projet d'écriture de Leiris a des visées autobiographiques, c'est bien
connu, et s'appuie sur les histoires de Judith et Lucrèce extraites d'un
tableau de Cranach, ainsi que sur la tauromachie et la psychanalyse
pour expliquer le risque pris dans une écriture qui a fait le choix de
tout dire (comme avec la règle fondamentale de la cure psychanalytique),
dans un rapport direct au dévoilement qu'est la vérité.
L'écriture de Leiris nous offre une prose rédigée dans un style parfait,
soigné et châtié, offrant de grandes récompenses de lecture. Une grande
œuvre importante du XXème siècle.
Exemple :
"Certains sites, certains objets, certaines circonstances très rares
nous donnent, en effet, le sentiment, lorsqu'il advient qu'ils se
présentent devant nous ou que nous y soyons engagés, que leur fonction
dans l'ordre général des choses est de nous mettre en contact avec ce
qu'il y a au fond de nous de plus intime, en temps ordinaire de plus
trouble sinon de plus impénétrablement caché. Il semblerait que de tels
sites, événements, objets, circonstances aient le pouvoir d'amener pour
un très court instant, à la surface platement uniforme par laquelle nous
collons habituellement au monde, quelques-uns des éléments qui
appartiennent le plus en propre à la vie de nos profondeurs, avant de
les laisser déclinant - le long de l'autre branche de la courbe
-retourner vers l'obscurité fangeuse d'où ils étaient montés."
Page 957 dans l'édition de la Pléiade.
Leiris, Michel. L'âge d'homme. Folio Gallimard
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