Tentative d'épuisement d'un lieu parisien 1975.
Un homme, un
écrivain, erre place Saint-Sulpice à Paris, au début des années 70 du
XXème siècle. Il prend des notes sur ce qu'il voit, va s'asseoir
fréquemment dans le Café de la Mairie, qu'il a choisi comme poste
d'observation. Rien de nouveau, me direz-vous : des promeneurs parisiens,
la littérature en connaît d'autres. Sauf que celui-là se nomme Georges
Perec.
Le 19 octobre 1974 à Paris, une femme mangeant une part de
tarte traversait la place Saint-Sulpice : elle figure maintenant pour
l'éternité dans un livre de Georges Perec.
La tentative de
description, si elle se voulait exhaustive, paraîtrait totalitaire et
vouée à l'échec : mais ça n'est pas tout à fait ça, nous dit Perec, il
s'agit de décrire le reste, ce qu'on ne note pas habituellement, ce qui
n'a pas d'importance. Une démarche qui se rapproche de son livre
"L'infra-ordinaire".
On laisse aux amis écrivains et
universitaires la réflexion sur les enjeux littéraires d'un tel écrit et
on le lit avec nonchalance.
Le texte a un demi-siècle maintenant
et il est probable que le lecteur contemporain ne le lit pas comme il
pouvait être reçu en 1975, de même que le provincial ne le lit pas comme
le parisien qui connaît bien cet espace : il a la patine du décor de
l'époque, il est devenu pour nous, lecteur naïf et excentré, un beau poème parisien.
Comme
pour "Je me souviens", le temps qui passe implique à long terme pour ce
texte une sorte d'effacement, de disparition - des thèmes chers à Perec
- car il arrivera un jour où ces lieux et les comportements qu'ils
contiennent, comme la rue Vilin de son enfance, auront tellement changé
qu'on ne les reconnaîtra plus.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire