jeudi 1 mai 2025

Perec le retour

Retour à cette partie d'échecs dont Perec nous propose le diagramme dans "La vie mode d'emploi" , page 447 de l'édition de poche, p. 379 du volume II de La Pléiade.

Il s'agit de la partie jouée par Anderssen et Dufresne en 1852, nommée par la tradition la "Toujours jeune" car faisant toujours l'objet de commentaires dans le milieu échiquéen. On peut lire le détail de cette partie ici, mais ça n'est pas notre propos.

Anderssen a les blancs et gagne par une série de coups implacables à partir du coup 19, alors qu'il est à un coup de perdre la partie (il suffirait que les noirs puissent mettre leur dame en G2) et qu'il terminera en ayant sacrifié bon nombre de ces pièces principales dont la dame.

Quel serait la structure du fantasme ? Il y a une dame blanche sacrifiée, et une dame noire a un coup d'être toute puissante. Le camp des noirs croit être en passe de gagner, mais se retrouve à ne pouvoir être que passif face à une série de coups l'obligeant à aller vers la défaite.

La toute puissante est celle qui se sacrifie, l'autre est dans l’illusion de la souveraineté. Le camp sombre est dans l'apparence trompeuse de la domination, mais se fait manipuler par le camp de la lumière, qui lève de manière inexorable l'hallucination.

C'est de l'acceptation de la castration symbolique, de la loi du langage et de la capacité à différer la satisfaction que provient la réalisation du désir, la maîtrise du temps et de l'espace.

Le monde blanc est celui qui ramène l'autre souterrain à la réalité de sa vulnérabilité, en ayant pourtant rêvé sa victoire, alors que l'autre n'a fait que la fantasmer. Je te montre sans coup férir que tu n'es pas tout puissant, que tu es dans l'illusion, dans l'hallucination du pouvoir. Je le fais en sacrifiant la part illusoire de la toute puissance, en me castrant symboliquement, mais je gagne à la fin. Qu'est-ce que je gagne, cela est une autre histoire...

Est-ce que tout cela nous révèle quelque chose sur Perec, sur son livre ? Non, sans doute : cela nous dit plutôt quelque chose sur la capacité du lecteur à divaguer, à faire fonctionner son imagination erratique en lisant : mais c'est la faute à Perec, devant son imagination débridée, le lecteur se sent autorisé à prendre les chemins qui ne mènent nulle part et à jouer avec lui.

 

Perec Pléiade vol. II


Perec Pléiade Vol .II page 379
La page 379 du volume II des Œuvres de Perec dans la bibliothèque de la Pléiade

 

Anderssen-Dufresne 1852 - position finale

Lorsqu'on observe la position finale (coup 23), on voit que la dame noire pourrait mettre le roi blanc échec et mat en un coup, en prenant le pion en G2 ou la tour blanche en D1. Elle est dans cette position depuis le coup 19, mais empêchée de conclure par la série de coups diaboliques réalisés par les blancs qui les mènent à mettre le roi noir échec et mat de manière élégante, avec deux fous soutenus par un pion, et en ayant sacrifié une tour, un cavalier et la dame.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire