Avec "Des îles. Mer d'Alborán. 2022-2023.", Marie Cosnay termine sa trilogie consacrée à l'exil vers l'Europe, aux histoires de migrants venant échouer aux portes de l'espace Schengen.
Chaque volume a son originalité. Dans le premier (Lesbos 2020. Canaries 2021), l'écriture semblait se chercher, la recherche des formes pour dire l'indicible devenait métaphore de la recherche des personnes et des corps. Dans le second volume (Île des Faisans. 2021-2022), s'affirmait la forme du récit pour mieux faire comprendre les drames de ces déplacements.
Ce troisième volume (Mer d'Alborán. 2022-2023) laisse place à une sorte de bilan réflexif laissant plus de place à l'Histoire ainsi qu'à la réflexion sur la mort, et montre aussi ce que ces histoires font aux corps et aux esprits des migrants, mais aussi aux corps et aux esprits des aidants, y compris l'auteure du livre.
L'ouvrage fait aussi appel à l'anthropologie lorsqu'il s'interroge sur la signification de l'enterrement des morts : "Enterrer comme il faut, c'est garantir le temps". Le détour par Sophocle devient ici judicieux, mettant en parallèle les questions d'Antigone et de Créon avec celles que peuvent se poser les familles des migrants morts à qui l'administration refuse une sépulture décente ou pérenne. Le livre laisse aussi la place aux rêves qui apparaissent quand la réalité devient un véritable cauchemar.
Marie Cosnay construit avec cette trilogie une œuvre autant littéraire que politique, dans laquelle l'engagement activiste trouve sa voix, son mode d'expression, pour tenter de dire l'indicible et ce que l'on ne veut pas entendre.
Une petite tranche du temps :
.../... 27 mars 2022 :
52 garçons d'un même village à Salé disparus.
26 avril 2022 : 65 disparus partis de Sfax.
8 mai 2022 : 44 disparus partis de Boujdour.
9 mai 2022 : 27 disparus partis de Layoune.
15 mai 2022 : 59 disparus partis de Tan-Tan. 14 disparus au départ de Tipaza.
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