En enterrant son chat mort, une femme découvre un trésor et se met
à voyager.
L'écriture de Quignard, au début de ce roman,
déploie avec grâce une proximité avec la nature - jusqu'à la fable
de l'oubli et du dialogue avec les plantes - en alternant deux
narrations qui se complètent, celle de l'héroïne et celle de
l'écrivain.
Dans ce texte, la présence de Virgile ne signale pas
l'entrée dans l'enfer, elle est plutôt associée à la présence de
l'eau, à la vie. La rencontre initiale des deux personnages principaux est liée à deux vers de
Rilke sur une tombe, c'est-à-dire à la mort. La description de la
baie de Naples laisse entendre la voix des auteurs latins.
Quignard,
avec son élégance habituelle, parsème par moments et avec légèreté
sa narration de références à la culture classique et de senteurs
du paysage, pour nous parler du temps qui passe, de souvenir et de la
solitude, sans oublier de rythmer son récit par des surprises
narratives.
Lorsque l'amour apparaît, un troisième
narrateur laisse s'épanouir le style sensuel et délicat de
l'écriture de Quignard, et vient en complexifier les ressorts
psychologiques.
"Il est possible que l'amour soit
une tendresse pour la solitude de l'autre."
"Elle
l'aimait comme la mer.
Lui aussi il l'aimait mais il ne l'aimait
que comme le rivage aime la mer."
Quignard, comme
tous les auteurs qui parlent d'amour, se tient au début sur le fil
de la romance de gare. Mais tout de suite, la sensualité et la poésie
cultivée de son style transfigurent l'expérience de lecture en un
vécu poétique unique et reconnaissable de livre en livre, pour
évoquer une solitude qui est aussi bien celle de l'écrivain que du
lecteur, dans un langage qui est une mise en scène de la littérature
elle-même.
Les souvenirs, la mort et le deuil viennent
donner de l'épaisseur au propos qui reste illuminé, plein de
clarté. C'est une littérature dans laquelle sont entremêlés les
corps et la débâcle, l'eau et les passions, les tempêtes et la
sérénité de la contemplation, une lumière à la fois grecque et
latine et le courage des mésanges.
Les fréquents
passages dans la région d'origine de l'auteur (Verneuil-sur-Avre)
posent la question de la part autobiographique des interrogations de
ce roman, portant sur la mort et le bonheur, redoublées de
questionnements sur le langage : "Tous les mots qu'on emploie
remontent de l'enfance et relaient la langue que parlaient les morts
qui précèdent la naissance. Dans ce cas quelle fin poursuivent les
phrases ? Quelle fin poursuivent les phrases dans les poèmes ?
Quelle fin poursuivent les phrases dans les livres ?"
Dans
ce livre émouvant, ce sont les chats qui permettent de trouver une
définition du bonheur : "l'immédiat dans la présence",
que l'auteur réalise par l'écriture. Quignard nous parle de la
solitude et de la mort, mais aussi du bonheur et c'est un poème
ensoleillé, rédigé sous le regard bienveillant de Rilke et
peut-être aussi celui de Bachelard.
On peut entendre Pascal Quignard lire des extraits de son roman, avec en prime l'audition d'un magnifique Consummatum Est,
sur une vidéo de la Maison de la Poésie :